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Les parties en italique et en bleu sont des extraits d'un écrit de Christophe Clavé. Cet écrit nous a questionné et fait réagir. Nos commentaires sont en noir.
EH! Toi le ministre de ce qui reste de l'éducation nationale....Prends le temps de lire ça:
La disparition progressive des temps (subjonctif, passé simple, imparfait, formes composées du futur, participe passé…) donne lieu à une pensée au présent, limitée à l’instant, incapable de projections dans le temps.
Ceci peut paraître anodin. Mais c'est au contraire dangereux. Penser seulement au présent, c'est ne pas avoir de références du passé, ne pas tirer d'enseignements des erreurs de ce passé, ou des conquètes de ce passé. Ne pas penser au futur, c'est ne pas se projeter, ne pas avoir d'ambitions d'une vie meilleure, d'une lutte pour nos droits, pour un mieux-vivre. Penser au présent, c'est penser "robot", et c'est de ça qu'ont besoin nos dirigeants: de bras, sans tête, sans réflexion, sans demande d'une vie meilleure.
Moins de mots et moins de verbes conjugués c’est moins de capacités à exprimer les émotions et moins de possibilité d’élaborer une pensée. Des études ont montré qu’une partie de la violence dans la sphère publique et privée provient directement de l’incapacité à mettre des mots sur les émotions.
Sans mot pour construire un raisonnement, la pensée complexe est entravée, rendue impossible. Plus le langage est pauvre, moins la pensée existe.
Nos dirigeants, et donc l'Education Nationale qui enseigne à nos enfants et que le gouvernement pilote, ont tout intérêt à ce que ces derniers ne sachent pas, faute d'avoir appris, s'exprimer, exprimer leurs idées, leurs pensées, leurs désaccords. Ils ont intérêt à ce que les futurs travailleurs soient en manque de mots pour exprimer leur colère face à un système qui les exploite.
Il n’y a pas de pensée critique sans pensée. Et il n’y a pas de pensée sans mots.
Comment construire une pensée hypothético-déductive sans maîtrise du conditionnel ? Comment envisager l’avenir sans conjugaison au futur ? Comment appréhender une temporalité, une succession d’éléments dans le temps, qu’ils soient passés ou à venir, ainsi que leur durée relative, sans une langue qui fait la différence entre ce qui aurait pu être, ce qui a été, ce qui est, ce qui pourrait advenir, et ce qui sera après que ce qui pourrait advenir soit advenu ? Si un cri de ralliement devait se faire entendre aujourd’hui, ce serait celui, adressé aux parents et aux enseignants: faites parler, lire et écrire vos enfants, vos élèves, vos étudiants.
Et c'est pourtant l'inverse qui se pratique dans l'Education Nationale. De plus en plus de cours magistraux, pas de débats (ou si peu...), une éducation où le maître parle et l'apprenant gobe, sans possibilité de discuter. L'Education Nationale, en appauvrissant les programmes (allègement des matières favorisant la réflexion: histoire, philo, géo,,,) et en axant l'enseignement sur le français et les maths ( sans oublier la sacro-saint instruction civique), ne forme plus des élèves aux têtes pensantes, mais des élèves aux têtes obéissantes.
Enseignez et pratiquez la langue dans ses formes les plus variées, même si elle semble compliquée, surtout si elle est compliquée. Parce que dans cet effort se trouve la liberté. Ceux qui expliquent à longueur de temps qu’il faut simplifier l’orthographe, purger la langue de ses «défauts», abolir les genres, les temps, les nuances, tout ce qui crée de la complexité sont les fossoyeurs de l’esprit humain. Il n’est pas de liberté sans exigences.
Dans l'effort de compréhension, de réflexion, se trouve en effet la liberté. Car c'est cet effort qui, enseigné dès les plus petites classes, permettrait de former des apprenants concernés, conscients du pouvoir de leurs mots, de leur parole. Il n'est pas question d'élitisme, de former des "bien parlants", il est question de former des élèves qui savent réfléchir, exprimer leurs doutes, leurs questions, leurs avis. Pour que, une fois rentrés sur le marché du travail, ils n'acceptent pas sans discuter ce qu'on leur impose, qu'ils participent à la vie politique de leur pays.
Tout ceci pour revendiquer une école qui forme des jeunes ouverts à la discussion, à la réflexion, à la pensée critique. Ils y ont droit. Les en priver, c'est les priver de leur liberté d'agir plus tard, comme travailleurs et citoyens responsables.